Cargo Culte.

Tirages pigmentaires sur papier archive (Arches).

111,8 x 90 cm (verticales) et 111,8 x 165 cm. (horizontales).

Cargo Culte est une exploration par la route du territoire Tunisien.

Lʼasphalte est ici le support de perception du paysage, une voie anthropique empruntée par un flux continu d'individus et dʼengins motorisés, un trait d’union entre activités terrestres et rapport au paysage. En léger surplomb, le pare-brise en guise de viseur, le photographe traque et collecte des véhicules dʼun autre temps, chargements improbables et paysages autoroutiers, dressant un inventaire de formes et de structures comme autant de portraits fugitifs.

Dans le sillage des gaz d’échappement, un paysage flottant défile sur des routes rigoureusement statiques. La route est ici à l’image du support photographique : une surface plane destinée à la captation du mouvement. 

Lʼasphalte qui traverse un paysage, cʼest aussi un point de fuite, lieu hypothétique sur quoi se fonde toute perspective.  Si le paysage ne cesse de révéler son habitant, le réseau routier dévoile la diversité géographique, sociologique, économique, culturelle et politique du territoire Tunisien, continuellement traversé par les turbulences mécaniques dʼune démocratie en rodage. 

En connectant la géographie physique et lʼexpérience poétique du paysage, en parcourant les liaisons entre l’espace archaïque de la campagne et l’espace urbain de la modernité, le photographe conduit une expérience visuelle liée à l'errance, au hasard, aux coïncidences, transformant la surface du monde en récit. Ici, le voyage fait œuvre. Les sujets (autos, camions de marchandises…) objets tridimensionnels mouvants puis parfaitement immobiles une fois photographiés, sont restitués sous la forme dʼimage picturale dont la répétition, les combinaisons et les variations de formes abstraites semblent répondre au postulat de lʼart minimal, cette élégance géométrique expérimentée par une frange dʼartistes qui eux aussi en leur temps faisaient du déplacement une œuvre dʼart.

Lancé à la poursuite de ces sculptures déroutantes, le photographe s’emploie à naturaliser dans l’espace ces convois de formes primaires (rectangles, triangles, droites, cercles, sphères, cubes...) comme autant d'objets trouvés, de petites œuvres in situ, en circulation. 

Cargo Culte est un dispositif qui explore lʼespace et lʼutilisation de lʼespace, révélant la nature même de la photographie : les formes, les lignes, l’espace, le temps et son corollaire l’oubli, la disparition, à l’horizon.

"Nous sommes nés pour errer au hasard des collines".

Césare Pavèse, Travailler fatigue (1936).